Archives de l’auteur

Correctrice de presse, 2007-2012

  • Correctrice de presse pour le quotidien Les Nouvelles calédoniennes, Nouméa, 2007-2008.
  • Correctrice de presse en freelance pour diverses maisons d’édition et agences de communication, Nouméa, 2008-2013.

Ama Bastien, Le Rêve accompli

reve accompli

Accompagnement à l’écriture & correction du roman.

Informations éditoriales

  • Auteur : Ama Bastien
  • Création graphique : Grain de sable Atelier
  • Editions : Grain de sable, Nouméa
  • Reliure : Cousu, couverture souple
  • Format : 14 x 21 cm
  • Nombre de pages : 344
  • Parution : 2008
  • ISBN : 9782953304602/li>

Lam, Catalogue Raisonné of the Painted Work, Volume II, 1961-1982

Relecture, correction, vérification des épreuves, du contenu et de la cohérence éditoriale.

Informations éditoriales

  • Conception éditoriale : Lou Laurin-Lam, Eskil Lam
  • Maquette & prépresse : Marie Chauvet
  • Editions : Acatos, Lausanne
  • Reliure : Cousu, couverture cartonnée
  • Format : 24 x 31 cm
  • Nombre de pages : 540 pages couleurs
  • Parution : 2002
  • ISBN : 2-940033-83-8

WIFREDO LAM ET L’ÉTERNEL FÉMININ

par Peggy Bonnet Vergara

Quelle place occupe la femme dans l’œuvre de Wifredo Lam, dans le discours tant artistique que poétique de cet homme
« rabordaille » qui a su, mieux que quiconque, interpeller l’humanité sur son identité et exprimer, au delà de toutes singularités de nature ethnique, sociale, culturelle ou spirituelle, sa profonde universalité ?

Représentée de façon réaliste, schématique ou fantastique, élevée au rang d’icône, d’emblème ou d’idole totémique, parée d’une pluralité d’identités aussi bien bénéfiques que maléfiques, la femme se présente chez Lam sous les traits d’une créature omniprésente et omnipotente, dont les visages multiples et bien souvent simultanés reflètent le principe féminin dans sa diversité, sa complexité et son ambiguïté.

En retraçant l’historiographie de la figure féminine dans l’œuvre de Wifredo Lam, cet ouvrage propose de mettre en lumière le rôle et le statut que l’artiste a voulu assigner à son sexe opposé non seulement au sein de son extraordinaire bestiaire personnel mais également dans l’écriture culturelle de son temps.


Informations éditoriales

  • Textes : Peggy Bonnet Vergara
  • Editions : L’Harmattan, Paris
  • Collection : Histoire et idées des Arts
  • Format : 24 x 15 cm
  • Nombre de pages : 288 pages, 108 illustrations, dont 33 en couleurs
  • ISBN : 978-2-343-06810-7
  • Parution : juillet 2015

L’éditeur et diffuseur

L’Harmattan, Paris
www.editions-harmattan.fr/

Parcours

  • Assistante de conservation – Société de Défense de l’Oeuvre de Wifredo Lam, www.wifredolam.net, Paris, 2001-2006.
  • Docteure en histoire de l’art, « La femme dans l’œuvre de Wifredo Lam. Visions et représentations » – Université de Paris X-Nanterre, 2006.
  • Commissaire d’expositions / Co-organisatrice de festivals – France & Nouvelle-Calédonie, depuis 2004.
  • Consultante pour la SDO Wifredo Lam, Paris, depuis 2007.
  • Auteure jeunesse, conceptrice éditoriale – Nouvelle-Calédonie & France, depuis 2007.
  • Intervenante en histoire de l’art et arts plastiques – Centre d’Art et écoles, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, 2008-2010.
  • Enseignante en histoire de l’art – Centre d’Art, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, 2009.
  • Editrice et Directrice de l’agence de communication Caouanne, France: Marciac, 2013-2021.
  • Lauréate du concours d’Assistant de conservation du patrimoine et des bibliothèques de 2ème classe, 2021.
Publications Expositions / Interventions / Salons
  • « Images détournées de José Angel Toirac ». Intervention dans le cadre du colloque « Art et Média », université de Paris X – Nanterre, juin 2001.
  • Paris, La Habana, Etc... Commissariat de l’exposition collective d’artistes cubains contemporains en hommage à Wifredo Lam dans le cadre du centenaire de sa naissance. Galerie Intemporel, Paris, 2002 / 2003. En partenariat avec l’Ambassade de Cuba, Paris
  • « Actualité de l’œuvre de Wifredo Lam dans l’art du XXe siècle ». Table-ronde dans le cadre de l’exposition « Paris, La Habana, Etc. ». Galerie Intemporel, Paris, décembre 2002.
  • « Quelques aspects de la figure féminine dans l’œuvre de Wifredo Lam ». Intervention dans le cadre du colloque organisé autour de l’exposition « L’Urgence poétique ». Basse-Terre, Guadeloupe, mai 2004.
  • Expression de la peinture cubaine. Commissariat de l’exposition d’art contemporain. Centre culturel, Mont-Dore, Nouvelle-Calédonie, 2008.
  • Maferefun los orishas. Commissariat de l’exposition d’art contemporain. Centre d’Art, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, 2009.
  • Résonances spirituelles. Commissariat de l’exposition d’art contemporain. Galerie Lec Lec Tic, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, octobre 2009.
  • 4ème Festival des Arts mélanésiens. Participation au Conservatoire des faciès, Nouméa, 2010.
  • Carrefour des Arts. Centre culturel Tjibaou, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, 2010.
  • Caminos de arena. Commissariat de l’exposition d’art contemporain. Galerie Reservoart, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, 2011.
  • Salon International du Livre Océanien, Nouméa, 2011. Invitée.
  • Homo sublimissimus. Participation à l’exposition du Conservatoire des facièsbibliothèque Bernheim, Nouméa, 2011.
  • Dialogues d’outre-monde. Résonances kanak autour d’Annonciation, en hommage à Aimé Césaire et à Wifredo Lam. Centre culturel Tjibaou, Nouméa, Nouvelle-Calédonie. Commissariat de l’exposition réunissant des gravures de Wifredo Lam, des poèmes d’Aimé Césaire, des œuvres d’artistes kanak contemporains et des œuvres d’art traditionnel kanak et océanien. Sous le haut-patronage de l’Unesco, 2012.
  • Tressons demain, Ancien bagne de Nouville, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, 2012.
  • Salon du Livre de Paris, 2013. Invitée.
  • Salon du Livre Insulaire, Ouessant, 2013. Invitée.
  • Salon du Livre – Vic-en-Bigorre, 2016. Invitée.
  • Navegando. Commissariat de l’exposition d’art contemporain. Hôtel de Ville, Médiathèque et Ecole de musique. Tournefeuille, 2017.
  • Salon du Livre – Vic-en-Bigorre, 2018. Invitée.
  • Osmose I – Journées Européennes du Patrimoine – Palmeraie du Sarthou, 2022 Commissariat.
  • Osmose II – Rendez-vous aux Jardins – Palmeraie du Sarthou, 2023 Commissariat.

Parcours d’un peintre universel

par Peggy Bonnet Vergara Tous droits de reproduction et de traduction réservés. GENESE D’UN PEINTRE, 1902-1941 Né le 8 décembre 1902 à Sagua la Grande, à Cuba, Wifredo Lam est le huitième et dernier enfant d’un père chinois et d’une mère descendante d’Espagnols et d’esclaves africains. Après avoir grandi dans la campagne cubaine, où il fut brièvement introduit à la santería (culte afro-cubain), le jeune homme étudie, de 1918 à 1923, la peinture et le dessin à l’académie San Alejandro de La Havane. Les années espagnoles   En 1923, il obtient une bourse pour poursuivre sa formation à Madrid. Portraitiste doué, il étudie les tableaux des grands maîtres au musée du Prado (Velázquez, Goya, Bosch, Brueghel…), tout en s’intéressant aux nouvelles tendances de l’art moderne (Gauguin, Cézanne, Picasso, le surréalisme). Il se marie avec une Espagnole en 1929, devient père d’un petit garçon en 1930, mais perd l’année suivante sa jeune famille, victime de la tuberculose. Ce drame le hantera toute sa vie. Effondré, Wifredo Lam extériorise sa douleur dans ses toiles, créées sous l’impulsion de l’automatisme surréaliste. Lorsque la Guerre Civile espagnole éclate en 1936, Lam s’engage du côté des forces républicaines. Il prend les armes, dessine des affiches de propagande et travaille dans une usine d’armement. Intoxiqué par les produits chimiques en 1937, il est soigné près de Barcelone, où il étudie l’art de Henri Matisse et rencontre le peintre Manolo Hugué. Ce dernier l’encourage à se rendre à Paris afin de rencontrer Picasso. Wifredo Lam dans son atelier rue Armand Moisant, Paris, 1940. L’aventure parisienne   En mai 1938, Wifredo Lam gagne Paris et se présente à Picasso. Une amitié sincère s’établit aussitôt entre les deux hommes, qui s’admireront toute leur vie réciproquement. Picasso joue pour son cadet le rôle de protecteur et d’intercesseur : il fait en sorte que le Cubain ne manque de rien pour peindre et l’introduit dans le milieu culturel local, en le présentant à ses amis poètes, artistes, critiques et marchands d’art : Tristan Tzara, Paul Éluard, Henri Matisse, Joan Miró, Fernand Léger, Georges Braque, Dora Maar, Man Ray, Michel Leiris, Pierre Loeb, Christian Zervos, Pierre Mabille… Les figures que Lam peint à cette époque deviennent hiératiques, stylisées, à l’image des sculptures africaines qu’il découvre en visitant, en compagnie de Michel Leiris, le musée ethnographique du Trocadéro et les galeries spécialisées de la capitale. Madame Lumumba, 1938, gouache sur papier Wifredo Lam, Madame Lumumba, gouache sur papier, 1938. Le séjour marseillais   En juin 1940, lorsque les Allemands entrent dans Paris, Wifredo Lam et sa compagne Helena Holzer se réfugient en zone libre, à Marseille, d’où ils espèrent pouvoir quitter l’Europe en guerre. De nombreux artistes et intellectuels, dont beaucoup de surréalistes, ont également rejoint la cité phocéenne : André Breton, Victor Serge, Benjamin Péret, Oscar Domínguez, Max Ernst, André Masson, Victor Brauner, Jacques Hérold… Pour tromper l’attente et l’ennui, ils se réunissent dans un café du Vieux-Port ou à la villa Air-Bel, logement de Breton et de sa famille mis à disposition par le Centre Américain de Secours, pour pratiquer divers jeux de création sollicitant l’automatisme et l’exploration de l’inconscient : cadavres exquis, dessins automatiques, collages… Parmi leurs réalisations collectives : le Jeu de Marseille, un jeu de carte dans lequel les familles et les personnages habituels ont été remplacés par les icônes et les valeurs du mouvement surréaliste. Pendant ce séjour, André Breton écrit le poème Fata Morgana et demande à Lam de l’illustrer. Les nombreux dessins préparatoires que celui-ci exécute marquent la naissance du nouveau monde formel de l’artiste, de son univers graphique particulier, empreint de métamorphoses et de poésie. Lam avec d’autres artistes réfugiés à la villa Air-Bel, Marseille, 1940. CUBA: LA NATURE ET LES DIEUX, 1941-1946   Retour au pays natal   Le 25 mars 1941, Wifredo Lam et sa compagne embarquent, avec André Breton, sa famille et plus de trois cents voyageurs, dont Claude Lévi-Strauss, à bord du « Capitaine Paul-Lemerle », direction le Nouveau Monde. En route, ils font escale à la Martinique, où André Breton et Wifredo Lam font la connaissance d’Aimé Césaire. C’est le début d’une amitié indéfectible et d’une collaboration artistique fructueuse entre Césaire et Lam. En juin 1941, André Breton gagne New York, où il reconstituera un cercle surréaliste qui aura une grande influence sur les milieux artistiques d’avant-garde. Lam arrive, quant à lui, à Cuba au mois d’août et découvre un pays dominé par la corruption, la mafia et les discriminations de toutes sortes. Lam devant La Jungla, La Mañana verde et La Silla, dans son atelier de La Havane, 1943. La Jungla   Fasciné par la beauté sauvage des Tropiques et immergé dans le monde spirituel afro-cubain (santería, culte du palo monte, rites de la société secrète abakuá), Lam s’attèle à livrer en peinture un combat similaire à celui de Césaire en faveur de la reconnaissance de l’homme noir. Entre 1942 et 1943, il donne naissance à La Jungla, véritable manifeste pictural en l’honneur de la poésie des Noirs et de la décolonisation culturelle de son pays, qui le propulse sur la scène artistique mondiale. Dès lors, le foisonnement, le mystère et la magie de sa Caraïbe natale explosent dans ses toiles, où se mêlent, dans un univers symbolique, mythique et spirituel syncrétique, les formes humaines, animales et végétales. Considéré, par son compatriote l’écrivain Alejo Carpentier, comme un messager du « réel merveilleux », de cette magie naturelle spécifique à la Caraïbe et au continent américain, Wifredo Lam poursuit sa quête d’une œuvre plastique capable de faire travailler l’imagination et créé des tableaux à profusion. 43.12 Wifredo Lam, La Jungla, huile sur papier marouflé, 1942-43. La nuit en Haïti   L’hiver 1945-46, Lam retrouve Breton, en Haïti où ils ont été invités par leur ami Pierre Mabille, alors attaché culturel de la France libre. Lam expose ses toiles au centre d’art de Port-au-Prince tandis que Breton prononce des conférences incitant les Haïtiens à lutter contre l’impérialisme. Les trois hommes assistent à des cérémonies vaudous et rencontrent les artistes et les intellectuels haïtiens. Leur impact sur le milieu culturel local est fondamental. Au mois de janvier 1946, une insurrection éclate, provoquant la chute du régime dictatorial d’Élie Lescot. Breton et Mabille sont expulsés. Lam retourne à La Havane, où se tient sa première exposition personnelle sur sa terre natale. Peu après, il se rend aux États-Unis, où il rencontre les artistes Marcel Duchamp, Arshile Gorky, Robert Motherwell, Roberto Matta, entre autres, avant de gagner l’Europe, où il revoit ses amis Picasso et Césaire et fait la connaissance d’Asger Jorn, futur fondateur du mouvement CoBrA. Wifredo Lam et André-Breton, Haïti, 1946. UNE OEUVRE UNIVERSELLE, 1946-1957   Le peintre des profondeurs   Depuis 1944, Wifredo Lam étudie l’alchimie, l’hermétisme, l’ésotérisme, la philosophie taoïste et la psychanalyse jungienne. Autant de domaines qui traitent de la conjonction des opposés, du potentiel de métamorphose et de renaissance et de la vision d’un monde où chaque être, chaque élément est une composante d’un tout indifférencié. Les œuvres qu’il créé à cette époque reflètent sa profonde analyse de la psyché humaine et de ses projections mystiques et spirituelles. À partir de 1946-47, ses tableaux, peints de nuit, s’assombrissent ; ses figures inquiétantes et énigmatiques participent au Grand Œuvre, s’appliquent, dans une dynamique de création-destruction-reconstruction, à la synthèse de la matière et de l’esprit, à l’élaboration de la pierre philosophale, symbole du perfectionnement, de la transcendance de l’âme humaine. Les toiles du Cubain constituent désormais des paraboles du processus d’individuation (réalisation de soi), tel que défini par Carl Gustav Jung, qui passe par l’unification du conscient et de l’inconscient et qui représente la condition nécessaire d’une cohésion plus intensive et plus universelle entre les hommes. En confrontant le spectateur avec le côté obscur de la nature humaine, Lam cherche à révéler, au-delà de toute appartenance culturelle, ce qu’il y a d’universel en l’homme. Wifredo Lam devant Bélial, empereur des mouches, La Havane, 1948. Un nouveau mythe   Entre 1946 et 1952, le peintre partage son temps entre La Havane, New York et Paris, où il participe à diverses expositions et créations collectives tant avec les surréalistes qu’avec les artistes nord-américains et cubains. En 1950, Wifredo Lam et Helena Holzer se séparent. L’année suivante, lauréat d’une bourse du gouvernement cubain, il se rend en Europe pour poursuivre sa carrière. En 1954, il s’installe à Paris, à la villa Alésia, et continue de matérialiser dans ses œuvres le règne de ses créatures originales menant bataille pour l’avènement d’une ère nouvelle, d’une meilleure humanité, basée sur une émancipation totale, une renaissance culturelle et spirituelle de tous les hommes. 058Lam Wifredo Lam, Les Noces, huile sur toile, 1947. Entre l’Ancien et le Nouveau monde   Tout au long des années 1950, Wifredo Lam ne cesse de voyager et de se lier avec des artistes et des poètes de tous horizons (Europe du Nord, Scandinavie, Italie…) et mouvements (École de Paris, CoBrA, mouvement international pour un Bauhaus imaginaire, Phases, movimento nucleare, Internationale situationniste…). En 1955, il se rend au Venezuela pour décorer, avec Calder et Vasarely, l’université de Caracas. Cette même année, il rencontre la jeune artiste suédoise Lou Laurin, qui deviendra sa femme en 1960 et la mère de ses trois autres garçons. Entre-temps, il voyage au Mato Grosso avec sa compagne Nicole Raoul, qui lui donnera un fils en 1958. En 1957, Lam séjourne à Milan, avec les artistes Piero Manzoni, Enrico Baj, Lucio Fontana et rencontre Giorgio Upiglio, maître graveur avec lequel il créera la plupart de ses œuvres gravées. Puis, il gagne, avec Lou Laurin, le Mexique et Cuba. 18.Pablo Picasso et Wifredo Lam, Vallauris, ca 1954 Pablo Picasso et Wifredo Lam, Vallauris, ca 1954. UNE CARRIERE INTERNATIONALE, 1957-1982   Errance et reconnaissance   Entre 1957 et 1961, Wifredo Lam vit et travaille entre les États-Unis, la France et l’Italie. En 1961, pendant la guerre d’Algérie, le peintre, victime de comportements racistes, quitte Paris et s’installe en Suisse. L’année suivante, il fait construire une maison et un atelier à Albisola Mare, en Italie, une petite commune de Ligurie devenue le lieu de rendez-vous estival de nombreux artistes internationaux (Lucio Fontana, Enrico Baj, Asger Jorn…). Tout au long des années 1960 et 1970, Lam multiplie les expositions personnelles et collectives aux quatre coins de monde. Les différents milieux d’avant-garde le célèbrent en tant que porte-parole de la culture de métissage et initiateur d’un art universel. En 1964, il reçoit le Guggenheim International Award de New York et le prix Marzotto de Valdino. En 1972, c’est le prix de la 36ème Biennale de Venise qui lui est décerné. Ses nouvelles peintures présentent une palette chromatique réduite, limitée à des tonalités telluriques, tandis que ses figures deviennent plus incisives, plus mécaniques, dotées d’une anatomie parfois tubulaire. Ces êtres, qui participent aux mêmes rituels d’offrande, de possession et de métamorphose, semblent être autant les témoins des progrès technologiques de cette époque que le reflet de la nouvelle humanité en marche. Interconnectés entre elles, ses créatures ont transcendé les limites séparant matérialité et spiritualité pour célébrer l’essence même de la vitalité et le pouvoir de création. 66.11 Wifredo Lam, Le Tiers-Monde, huile sur toile, 1966. Un artiste engagé   Peintre aux convictions politiques fortes, Lam a manifesté un grand enthousiasme lors du triomphe de la Révolution cubaine. Considéré comme un « artiste national », il reçoit en 1965 la commande d’une œuvre pour le palais présidentiel de La Havane. Il se rend à Cuba en 1963, rencontre Fidel Castro et réalise El tercer mundo, une toile de grande dimension célébrant l’émergence et l’affirmation politique, sociale et culturelle du Tiers-Monde. En 1967, Lam fait se déplacer, à La Havane, l’annuel Salon de Mai de Paris : une centaine d’artistes, d’intellectuels et d’écrivains, tous courants confondus (César, Erró, Hundertwasser, Marguerite Duras, Gherasim Luca, Paul Rebeyrolle…) apportent ainsi leur soutien à la Révolution. En 1968, Lam participe avec Aimé Césaire et Michel Leiris au Congrès culturel de La Havane. Exploration d’autres médiums   Dans les années 1960 et 1970, Wifredo Lam réalise un grand nombre d’œuvres gravées et lithographiées pour plusieurs projets éditoriaux avec ses amis poètes et écrivains. Il s’initie aussi à la sculpture et surtout, à partir de 1975, à la céramique, medium mariant la terre et le feu qui le surprend et le fascine. En 1978, l’artiste est victime d’une attaque cérébrale qui le laisse partiellement paralysé et le cloue dans un fauteuil roulant. De sa main droite encore valide, il continue à créer dessins, pastels et gravures. Nostalgique de son pays, il se rend à Cuba en 1980. De retour en Italie, il tient à terminer les eaux-fortes pour Annonciation, commencées dans les années 1960. Wifredo Lam décède à Paris, le 11 septembre 1982, à l’âge de 79 ans. Selon ses vœux, ses cendres sont ramenées à La Havane, où des funérailles nationales sont organisées. E-74.29 Wifredo Lam, eau-forte pour « Contre une maison sèche » de René Char, 1974. HERITAGE   À une époque où les sociétés sont marquées et transformées par la mondialisation, les progrès technologiques, le matérialisme, les migrations de population, le déracinement culturel, la montée des nationalismes et autres périls menaçant notre humanité, l’œuvre de Wifredo Lam, qui nous invite à retrouver et entretenir notre part tant individuelle que collective de spiritualité et nous enjoint à conserver et pérenniser les sentiments d’humilité, de fraternité et d’égalité, se doit d’être connue et partagée. Lam en 1980 Wifredo Lam à La Havane, 1980.

Dialogues d’outre-monde. Résonances kanak autour d’Annonciation

Catalogue de l’exposition Dialogues d’outre-monde. Résonances kanak autour d’Annonciation.

Centre culturel Tjibaou, salle Komwi, village 2. 27 juin – 30 septembre 2012.

Ouvrage reproduisant les œuvres exposées (poèmes de Césaire, œuvres de Teddy Diaïke, poèmes de Paul Wamo, eaux-fortes de Wifredo Lam, œuvres d’art kanak et océanien du musée de Nouvelle-Calédonie) et présentant des textes sur l’amitié entre Aimé Césaire et Wifredo Lam, sur la vitalité de la création artistique kanak contemporaine ainsi que sur Wifredo Lam et l’art tribal.

  • Conception éditoriale : Peggy Bonnet Vergara
  • Textes d’Emmanuel Tjibaou, Emmanuel Aubinais, Pétélo Tuilalo et Peggy Bonnet Vergara
  • Maquette : Hans Vergara
  • Editions : Agence de Développement de la Culture Kanak – Centre Culturel Tjibaou, Nouméa
  • Reliure : Collé, couverture souple
  • Format : 23 x 23 cm
  • Nombre de pages : 64 pages couleurs
  • Parution : 2012
  • ISBN : 978-2-909407-99-9
p-48-49 p-54-55

Aimé Césaire et Wifredo Lam, deux artistes frères

par Peggy Bonnet Vergara Tous droits de reproduction et de traduction réservés. Article publié dans le catalogue de l’exposition Dialogues d’outre-monde. Résonances kanak autour d’Annonciation. Edition: Agence de Développement de la Culture Kanak – Centre Culturel Tjibaou, Nouméa, 2012. Crédits photo: Eric Dell’Erba. C’est en avril 1941 que naît l’amitié féconde et fraternelle entre Wifredo Lam et Aimé Césaire. Un paquebot, parti de Marseille un mois auparavant, fait escale pendant plusieurs semaines à la Martinique. À son bord, Wifredo Lam, André Breton, Claude Lévi-Strauss et de nombreux artistes et intellectuels, considérés comme « impurs » ou « dégénérés », fuient l’Europe nazie, direction le Nouveau Monde. Au cours d’une excursion dans Fort-de-France, Breton tombe sur un exemplaire de la revue Tropiques éditée par le couple Césaire. Subjugué par la fougue et le verbe du jeune poète martiniquais, le père du surréalisme organise une rencontre à laquelle participe Lam. Un véritable « coup de foudre » se produit entre les deux hommes. Lam, qui découvre la négritude, le combat poétique de Césaire contre l’oppression et l’aliénation culturelle, est conforté dans son dessein de remettre l’art africain en fonction dans son monde propre et d’exprimer, dans une langue qui soit à la fois personnelle et universelle, l’énergie combative, la protestation de ses ancêtres. Pendant leur séjour, Césaire amène ses nouveaux amis dans la forêt d’Absalon. L’exubérance de la végétation tropicale provoque d’importantes répercussions sur l’inspiration et la création de chacun d’eux : Wifredo Lam renoue avec le foisonnement et le merveilleux de ses Antilles natales et donnera naissance à des chefs-d’œuvre comme La Jungla, André Breton et André Masson, qui les a rejoints, composeront Martinique, Charmeuse de serpents, tandis qu’Aimé Césaire et sa femme Suzanne réaliseront des textes et des poèmes fondamentaux. De retour à Cuba en 1942, Wifredo Lam produit un grand nombre de toiles qui sont autant de manifestes picturaux en faveur du réveil de l’identité afro-cubaine et de l’affirmation de la dignité des Noirs. Comme André Breton aux États-Unis, Lam s’attèle à diffuser l’œuvre de son ami Césaire dans les Amériques : il fait traduire en espagnol Cahier d’un retour au pays natal et illustre de trois dessins cette version éditée à La Havane en 1943. De son côté, Aimé Césaire célèbre, à travers diverses publications, l’univers pictural empreint de mystère et de magie que le Cubain engendre. Il compose ainsi le poème « Tam-Tam II », reproduit en 1943 à New York dans le n°2-3 de la revue VVV et publie, en 1946 à Paris, le texte « Wifredo Lam » dans Cahiers d’art : « Par les soins de Lam, l’esprit premier, je veux dire le sentiment, le rêve, l’hérédité, se projette et hallucine. (…) Nourri de sel marin, de soleil, de pluie, de lunes merveilleuses et sinistres, Wifredo Lam est celui qui rappelle le monde moderne à la terreur et la ferveur premières. » (Aimé Césaire, « Wifredo Lam », Cahiers d’art (Paris), XX-XXIe année, 1945-1946, p. 357). Lors d’un voyage en Europe en 1946, Lam revoit Césaire, qui vient d’entrer en politique, et s’entretient avec lui et d’autres poètes antillais (Ménil, Depestre…) sur la dynamique de décolonisation politique et culturelle des peuples opprimés. En 1952, après le coup d’État de Batista à Cuba, Lam s’installe à Paris, où il revoit régulièrement son « frère de la Caraïbe » et rencontre des artistes et des poètes de tous horizons. En 1968, les deux hommes participent au Congrès culturel de La Havane, qui rassemble des artistes et intellectuels du monde entier et dont l’objet est de débattre de l’expression culturelle du Tiers-Monde. Cette même année, Wifredo Lam reprend une série de dessins sur le thème de l’Annonciation qu’il avait commencée au début des années 1950. Après une longue méditation sur ces images et sur leur philosophie, Lam les transpose en eaux fortes et demande à son ami Césaire de composer des poèmes en regard de celles-ci. Le temps passe, le projet de portfolio ne voit pas le jour. En 1982, Lam, alors au crépuscule de sa vie, achève la conception des eaux fortes et renouvèle sa requête à Césaire. Sept eaux fortes sont tirées à Milan, dans l’atelier de Giorgio Upiglio, et dix poèmes, écrits par Césaire en hommage à Lam, décédé au mois de septembre 1982, sont publiés dans Moi, laminaire (Le Seuil, 1982). En 2002, deux autres eaux fortes de la série Annonciation, tirées dans le cadre du centenaire de la naissance de Wifredo Lam, viennent compléter le corpus. Dernière œuvre commune, Annonciation est un condensé de l’univers intellectuel, poétique et spirituel de ces deux artistes, de ces deux âmes humanistes aspirant à une même quête, celle de l’avènement d’une ère nouvelle, d’un homme émancipé, fraternel et universel, profondément enraciné dans le monde du vivant, du visible et de l’invisible. Legs précieux confié aux générations présentes et à venir, inestimable héritage donné en partage afin que nous puissions continuer à cultiver notre humanité.